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Hermès dévoilé

Dédié à la postérité
Cyliani
© France-Spiritualités™






PREMIÈRE PARTIE (1/2)


      Ayant passé 37 ans de mon existence à étudier les phénomènes de la nature, je crois devoir publier une partie de mes découvertes ainsi que les peines et les malheurs que j'ai éprouvés, dans les vues de servir d'exemple à la jeunesse, de prévenir la ruine des honnêtes gens et de rendre service à l'humanité souffrante. Né d'une mère chérie et d'un père respectable et très instruit, qui occupait une place très honorable dans la société ; étant seul de garçon mon père fut mon mentor et me donna une éducation soignée. De bonne heure je devins le modèle de la jeunesse de ma ville par ma conduite, mon goût pour les arts et les sciences et mon instruction. A peine avais-je 17 ans que je pouvais vivre indépendant et du fruit de mes talents. Mon père était en correspondance avec des savants dans le nombre duquel il y en avait qui s'occupaient de la recherche de la pierre philosophale et de la science occulte des choses. Leurs livres m'étaient tombés entre les mains. J'en étais imbu, je me disais : serait-il possible que des rois, des princes, des philosophes, des présidents de cour et des religieux eussent pris plaisir à mentir et à induire en erreur leurs semblables ? Non, c'est impossible, me répondais-je ; ce sont plutôt d'anciennes connaissances cachées sous le langage des hiéroglyphes afin que le vulgaire en soit privé et qu'il n'y ait que les élus dont-il plaît à Dieu d'initier qui puissent posséder ces connaissances surnaturelles. J'étais naturellement bon et croyant ; ne connaissant pas les détours du cœur humain, je crus à la sincérité de ces livres. Il me tardait d'être mon maître afin de me livrer à ce genre d'études ; la vie à mes yeux n'avait plus de charmes qu'autant que l'on possédait la santé et que l'on pouvait faire des heureux sans qu'ils puissent parler de nous. La connaissance de la pierre philosophale remplissait ce but : elle devint alors le sujet de mes veilles et de mes moments de loisir ; mon ambition se portait aussi à acquérir la certitude de l'existence et de l'immortalité de l'âme. Telles étaient les connaissances que je désirais acquérir aux dépens même de mon existence.

      La révolution française venait d'éclater. Mes connaissances parurent, aux yeux de mes concitoyens, plus utiles dans une administration qu'à l'armée. On m'honora de plusieurs places. Dans mes tournées, je vis, en entrant dans une petite ville, une jolie demoiselle dont les traits de bonté, le sourire gracieux et l'air décent charmèrent mon âme et enflammèrent mon cœur. Dès ce moment je me promis d'en faire ma femme. Après avoir rempli la tâche que m'imposaient mes devoirs, je m'occupai de chercher quelque prétexte pour lui parler : l'amour n'en manque pas, et peu de jours s'écoulèrent jusqu'au moment où je reçus la permission de me présenter chez elle. Enfin, l'hyménée vint combler mes vœux, et je me promis de la rendre la femme la plus heureuse du monde. Hélas ! j'étais loin de croire que je lui ferais éprouver une série de malheurs presque sans exemple, puisqu'elle avait tout fait pour me rendre heureux.

      Quelques mois après mon mariage, je fis la connaissance d'un homme de talent qui avait pour femme une artiste célèbre. Ils avaient tous les deux le goût de l'alchimie et me confièrent un petit manuscrit qui avait été trouvé derrière une armoire, duquel ils faisaient grand cas. Il était écrit d'un style qui inspirait beaucoup confiance ; tout s'y trouvait à l'exception du nom de la matière, des travaux d'Hercule et de la connaissance du feu. Je me crus alors l'homme le plus heureux de la terre. Je conçus dans la fougue de ma jeunesse d'immenses projets : je me mis à travailler ce qui me fit négliger ma partie et mes propres intérêts. Je crus par la suite donner ma démission afin de me livrer entièrement à la philosophie hermétique et après plusieurs années j'eus anéanti la somme que m'avaient donnée mon père et ma mère en me mariant, et dissipé en fumée une partie de la dot de ma femme.

      Mon amour et mon amitié sans bornes pour la compagne de ma jeunesse et sa tendresse pour moi nous donnèrent une nombreuse famille qui augmenta mes dépenses lorsque ma fortune s'éclipsait ; je voyais ma femme soutenir avec courage sa position, et le désir de la rendre heureuse augmentait ma ferme résolution d'atteindre le but que je m'étais proposé. 21 ans se passèrent au sein des plus grandes privations ; je tombai dans le malheur ; mes nombreux amis me tournèrent le dos. On finit en cherchant à s'expliquer ma position, vu ma conduite exemplaire, par savoir que mon goût pour l'alchimie me portait à me priver du plus juste nécessaire, je devins la risée publique ; on me traita de fou, je fus hué, ma famille me rejeta de son sein, à plusieurs reprises, je me vis errant dans ma patrie, obligé de suspendre mes travaux, ayant vendu jusqu'au meilleur de mes habits pour payer les gages d'un domestique qui m'aidait à passer les nuits. Ma femme, chargée de maints enfants, fut obligée de son côté de se réfugier chez ses parents, en ne cessant d'être le modèle des vertus ; et moi, en descendant au fond de mon cœur, je n'avais rien à me reprocher que mon goût pour une partie qui m'avait ruiné, et placé ma famille dans une position pénible et douloureuse.

      Je me vis forcé d'oublier mes travaux et de faire valoir mes talents, mais la position pénible où je me trouvais jetait naturellement une défaveur sur moi. A peine avais-je organisé une partie avantageuse que mes subordonnés, ou les personnes qui me fournissaient les fonds s'en emparaient, en cherchant à jeter sur moi une défaveur telle que je ne pus trouver nul appui afin que ma position financière les mît à l'abri de toute réclamation. Ayant écoulé environ 10 ans ainsi, et employé une partie des nuits à la lecture de presque tous les ouvrages publiés sur la pierre philosophale, commençant à courber la tête sous le poids des années, je sentis ce penchant irrésistible qui rappelle l'homme à ses premières amours, je me crus de bonne foi mieux instruit, capable de franchir tous les obstacles qui m'avaient arrêté jusqu'alors. Je m'adressai à des personnes riches qui avaient mes mêmes goûts, je fus accueilli avec bienveillance. Au commencement de ces nouvelles connaissances, je passai des jours heureux : les amitiés m'étaient prodiguées, je pouvais moyennant mes travaux venir au secours de ma famille, mais aussitôt que l'on croyait posséder mes connaissances, on m'abandonnait sous de vains prétextes ; on se porta même jusqu'au point de me faire prendre une forte dose de sublimé corrosif dans la vue de me détruire et de s'emparer de mes écrits. J'avais appris à connaître le cœur humain à mes frais et dépens ; je me tenais continuellement sur le qui-vive ; mais le feu qui se manifestait dans mon estomac et la saveur que j'éprouvais me firent recourir au contrepoison. J'en fus quitte pour une année de malaises, et de la presque privation du seul plaisir que j'avais sur la terre. Que ne puis-je ici, dans la crainte de me rendre importun et trop long, faire un récit des petites passions humaines et de la différence inconcevable qui existe entre l'homme aimable que l'on voit orner les soirées de nos salons et le même homme guidé par l'appât des richesses et de sa vile cupidité. Ce sont vraiment des êtres différents.

      Ma plume se refuse ici au récit que ma position me fit éprouver, à peine un grand in-folio suffirait-il pour contenir mes revers. Je tombai derechef dans le malheur ; il était si complet, que ma nombreuse famille composée d'enfants charmants, bien élevés, vertueux au-delà de toute expression, chéris dans la société où ils se faisaient remarquer par leur décence et leurs talents d'agrément, prirent, par amour pour leur infortuné père, tellement leur chagrin à cœur que de légères maladies, où tout autre aurait guéri au bout d'une quinzaine, devinrent mortelles pour eux, et en peu de temps je perdis mes enfants.

      Ô perte irréparable ! qu'il est triste et déchirant pour un cœur paternel de n'avoir à ce récit que des pleurs à faire couler en regrets superflus ! Puisse un jour l'Eternel me permettre de vous revoir, et le ressouvenir de mes malheurs sans nombre sera pour moi effacé.

      Dans la position accablante où je me trouvais, je crus ranimer toutes mes forces pour faire une dernière tentative : je m'adressai à une personne riche, qui avait une grande âme et beaucoup d'instruction, et fus traité par elle pendant plusieurs années plus généreusement que par les dernières personnes auxquelles je m'étais adressé et je parvins enfin à faire quelque chose d'encourageant, mais ce n'était point encore l'œuvre.

      Un jour, me promenant à la campagne, assis au pied d'un gros chêne, je me plus à me repasser toutes les circonstances de ma vie et à juger si j'avais quelque mérite, où si j'avais encouru l'énorme poids des malheurs qui m'accablaient, je me rappelai les découvertes utiles au commerce que j'avais faites et le bénéfice que l'industrie française en avait retiré ; je voyais avec douleur des étrangers en profiter et mon nom oublié ; je portai mon regard sur des personnes qui avaient eu l'adresse de s'emparer des découvertes d'autrui, après leur avoir donné une tournure à la mode ; je les voyais comblées d'honneurs, de places, et je me trouvais errant et repoussé ; je me demandai si j'avais avec intention fait tort d'un sou à l'un de mes semblables, ma conscience me répondait non ; ai-je cessé un seul moment d'être bon fils, bon mari, bon père, bon ami pour celui qui le méritait ? mon cœur me dit aussi : non, ton malheur vient uniquement de n'avoir pas atteint ton but.

      Je me représentais qu'il était cruel pour moi d'avoir été à diverses époques de ma vie si mal payé par mes semblables, même par mes amis ; la peine que me faisaient éprouver tous ces souvenirs m'accablait, mes forces m'abandonnaient et je mis ma tête sur mes mains en versant un torrent de larmes, en appelant l'Eternel à mon secours. La chaleur ce jour-là était forte, je m'endormis et fis le songe suivant que je n'oublierai jamais.




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